Les passagers peuvent désormais être indemnisés plusieurs fois pour un même voyage. En effet, par un arrêt du jeudi 12 mars 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), la plus haute instance européenne, a une nouvelle fois fait progresser les droits des passagers aériens.
Dans ce litige opposant des passagers à la compagnie Finnair, les voyageurs avaient tout d’abord obtenu une indemnisation à la suite de l’annulation de leur vol, en accord avec le règlement européen n°261/2004. La compagnie avait également rebooké les passagers sur un autre vol qu’elle devait opérer, mais celui-ci a été retardé de plus de 3 heures. La raison de ce retard était le changement d’une pièce mécanique, pourtant en bon état, par prévention à la suite d’un vice caché affectant cette même pièce sur d’autres appareils.
Les passagers ont donc réclamé une nouvelle indemnisation, pour le retard subi sur le vol de réacheminement. La compagnie s’y est opposée, car les passagers avaient déjà obtenu une indemnisation. De plus, la nature du problème technique du second vol, un vice caché résultant de la faute du constructeur, impliquerait qu’elle ne soit pas responsable de ce retard.
La CJUE n’a pas interprété le règlement européen de cette façon, et a au contraire affirmé que les passagers pouvaient bien être indemnisés une seconde fois dans cette situation.
Il est possible d’être indemnisé une nouvelle fois en cas de retard du vol de réacheminement
Pour la compagnie Finnair, il semblait exagéré d’indemniser une seconde fois les passagers, alors que les passagers avaient déjà obtenu une indemnisation pour le vol annulé en premier lieu.
Les juges de la CJUE ont cependant appliqué strictement le règlement européen qui ne s’y opposait pas. Les passagers étaient toujours en possession de la même réservation pour parvenir à la destination prévue, peu importe que le transport soit effectué par le vol initialement prévu ou par un autre vol de la même compagnie.
Le règlement européen, en l’espèce, est donc applicable à cette situation !
Non seulement le règlement est applicable, mais aucune de ses dispositions n’interdit l’indemnisation des passagers dans cette situation particulière. Il n’y avait donc pas de raison, selon les juges, de limiter le droit des passagers à obtenir une indemnisation. Au contraire, il s’agit d’inciter les compagnies à prendre en charge continuellement les passagers, et à les amener à leur destination avec le minimum de retard possible. Les passagers peuvent donc exiger une indemnisation si leur vol de réacheminement est perturbé, et ce, même s’ils ont déjà été indemnisés pour le vol initial annulé.
Le remplacement, par prévention, d’une pièce en bonne condition n’est pas une circonstance extraordinaire
Même si les passagers ont droit à une indemnisation, une circonstance extraordinaire peut avoir causé le retard ou l’annulation d’un vol, ce qui permettrait alors à la compagnie de s’exonérer de l’obligation de payer cette indemnisation. Pour la compagnie Finnair, le remplacement d’une pièce par prévention, en réaction à un vice caché qu’elle ne pouvait prévoir ni contrôler et qui affectait potentiellement toutes les pièces similaires, correspondait à une telle circonstance.
La CJUE rappelle dans un premier temps la définition de la circonstance extraordinaire. Il s’agit ainsi d’un évènement qui ne peut être considéré comme inhérent à l’exercice normal de l’activité de transporteur aérien, ET qui doit échapper à la maîtrise effective du transporteur aérien.
Or, conformément à la célèbre jurisprudence “Wallentin-Hermann” du 22 décembre 2008, toute défaillance technique inhérente à l’entretien des aéronefs ne saurait constituer une circonstance extraordinaire. Si les pièces concernées par un vice caché constituaient une exception à la portée de cet arrêt, les juges de la CJUE semblent vouloir limiter la possibilité pour les compagnies aériennes d’invoquer une telle réserve.
Ainsi, même la défaillance inopinée et prématurée d’une pièce de l’appareil constitue un évènement intrinsèquement lié au fonctionnement de celui-ci. La Cour affirme ainsi que tout problème technique est la responsabilité de la compagnie, tant que celui-ci est lié par sa nature au fonctionnement de l’appareil. Le transport aérien est une activité complexe, et le remplacement d’une pièce en bonne condition, par précaution, est certes un imprévu, mais ne sort pas de l’ordinaire du secteur.
Il apparait de plus que la compagnie avait à disposition d’autres exemplaires de la pièce mise en cause, nécessaire à l’activation du gouvernail de l’appareil. En effet, c’est une pièce cruciale qui peut faire l’objet, de par son usage répété, d’une défaillance classique. Si la situation n’est pas ici habituelle, elle n’échappait toutefois manifestement pas à la maîtrise de la compagnie Finnair, qui avait les moyens de résoudre le problème relativement rapidement en remplaçant immédiatement la pièce.
Note : Une limite cependant à cette dernière affirmation : le litige a été renvoyé devant la cour d’appel d’Helsinki, qui avait initialement requis l’avis de la CJUE. Il appartiendra désormais à cette cour de décider si la défaillance en cause, le vice caché lui-même, constitue un évènement qui n’est pas inhérent à l’activité de transporteur aérien, et si celui-ci échappe à la maîtrise effective de la compagnie aérienne.
Les conséquences pour les passagers aériens
Par conséquent, les juges de la CJUE estiment que le remplacement d’une pièce en bonne condition, provoqué par la défaillance prématurée d’une autre pièce similaire sur un autre appareil, n’est pas une circonstance extraordinaire.
Les passagers aériens peuvent être rassurés : même s’ils sont déjà indemnisés pour un vol annulé, ils peuvent également exiger une seconde indemnisation si le vol de réacheminement lui-même est perturbé. Les compagnies ne pourront également plus affirmer qu’une indemnisation n’est pas due si le retard est causé par le remplacement d’une pièce par prévention. Cette importante décision de la CJUE étend donc les droits des passagers aériens, et offre des nouvelles opportunités d’être indemnisé en cas de perturbation de vol.
Nous pouvons vous aider à obtenir une indemnisation.