Pas d’indemnisation si un vol est retardé ou annulé en raison d’une violente bagarre à bord

Une altercation explose à bord, le commandant de bord n’a pas d’autres alternatives que de dérouter l’avion et d’atterrir dans l’aéroport le plus proche pour débarquer les passagers perturbateurs. Dans cette situation, les passagers subissant un préjudice du fait du retard ou de l’annulation du vol, peuvent-ils-prétendre à une indemnisation ?

Le mauvais comportement d’un passager à bord est une circonstance extraordinaire : aucune indemnisation n’est possible

Dans un arrêt récent, la CJUE n’avait pas manqué de rappeler que : « Après avoir relevé que le comportement perturbateur d’un passager ayant entraîné un déroutement de l’aéronef met effectivement en cause la sécurité du vol concerné, la Cour a estimé, d’une part, que le comportement en cause n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien. D’autre part, un tel comportement n’est, en principe, pas maîtrisable par ce dernier, dès lors que, premièrement, le comportement d’un passager et ses réactions aux demandes de l’équipage ne sont pas prévisibles et, deuxièmement, à bord d’un aéronef, le commandant comme l’équipage ne disposent que de moyens limités pour maîtriser un tel comportement. »

En effet, le comportement agressif d’un passager est constitutif d’une circonstance extraordinaire. Un passager perturbateur représente non seulement une menace pour la sécurité des autres passagers et ne constitue en aucun cas un événement normal et inhérent à la réalisation du transport aérien.

D’autre part, l’équipage à bord ne dispose que de moyens limités pour maîtriser un tel passager. Ceci constitue donc une circonstance extraordinaire.

La compagnie aérienne ne sera donc pas tenue de verser une indemnisation en cas du déclenchement d’une bagarre, par exemple, lors un vol.

Une nuance cependant : si le passager agressif présente clairement des troubles du comportement avant ou même pendant l’embarquement, et sachant que le commandant de bord a autorité pour débarquer un passager perturbateur, il ne s’agirait pas là d’une circonstance extraordinaire. Uniquement dans cette hypothèse, il sera possible de prétendre à une indemnisation allant de 250€ à 600€ par passager, selon la distance du vol.

Précisions sur la notion de « mesures raisonnables » prises par la compagnie pour éviter le retard

Il est important de préciser : quelles sont les mesures raisonnables que doit prendre la compagnie suite à une circonstance extraordinaire pour limiter les effets du retard, ou empêcher l’annulation d’un vol ?

En principe, la survenance d’une circonstance extraordinaire n’est pas suffisante pour exonérer la compagnie de son obligation d’indemniser les passagers concernés. Le règlement et la jurisprudence de la CJUE précise que la compagnie doit également prendre “toutes les mesures raisonnables à sa disposition” pour éviter qu’un vol soit trop retardé ou annulé

En l’espèce, la CJUE a précisé qu’en cas de retard affectant un premier vol et susceptible d’affecter le vol suivant effectué par le même appareil, la compagnie doit effectivement prendre certaines mesures. Elle doit notamment proposer aux passagers du vol suivant un réacheminement raisonnable, satisfaisant et dans les meilleurs délais. Ce réacheminement peut être effectué par d’autres vols directs ou indirects opérés éventuellement par d’autres compagnies qui appartiennent ou non à la même alliance aérienne et arrivant à un horaire moins tardif que le vol susceptible d’être retardé ou annulé. 

La compagnie aérienne, si elle souhaite s’exonérer de son obligation d’indemniser les passagers concernés par un tel événement, doit donc impérativement démontrer qu’elle a proposé un vol de réacheminement satisfaisant, qui peut être effectué par n’importe quelle autre compagnie, aux passagers dont le vol a été retardé. Elle doit sinon démontrer qu’il n’existait pas de vol de réacheminement satisfaisant pour les passagers, ou que cette proposition aurait constitué un sacrifice insupportable par rapport à ses capacités logistiques et financières. 

Les passagers doivent donc retenir que si leur vol, ou le vol précédant le leur, est perturbé par la faute d’un passager agressif, ils ne pourront en principe pas exiger d’indemnisation. Il faut cependant nuancer ces propos : la compagnie doit démontrer qu’il existait un lien direct de causalité entre le comportement du passager sur le vol précédent, et le retard du vol suivant. Elle doit également soit proposer un vol de réacheminement aux passagers pour arriver à leur destination avec le moins de délai possible, soit démontrer qu’elle n’était pas en mesure de proposer un tel réacheminement. 

En image, les violents incidents qui se sont déroulés à bord du vol de la compagnie Air Caraïbes

https://twitter.com/airplusnews/status/1492547452968316936?s=21

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