1 – La prise en compte des frais supplémentaires
(CJUE, RUSU c. BLUE AIR, 29 JUILLET 2019) La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a déclaré qu’il fallait bien distinguer l’indemnisation forfaitaire (allant de 250 à 600 euros par passager) qui dédommage le fait d’avoir subi une perturbation de vol, de la compensation des autres préjudices qui peuvent en résulter. Ainsi, même si la compagnie vous a accordé l’indemnisation forfaitaire, mais que celle-ci n’est pas suffisante, il est possible d’exiger la réparation de préjudices tels que la perte d’une journée de salaire ou des nuits d’hôtels manquées.
2 – La compagnie doit rechercher par elle-même le meilleur réacheminement possible pour les passagers
(CJUE, RUSU c. BLUE AIR, 29 JUILLET 2019) Dans ce même arrêt, la Cour de Justice a rappelé l’obligation de la compagnie aérienne de réacheminer les passagers dans les meilleurs conditions en cas de vol annulé, de retard supérieur à 5 heures ou de refus d’embarquement. Il est ainsi affirmé que le règlement européen impose à la compagnie qui opère le vol de présenter aux passagers des possibilités de réacheminement dans des conditions de transport comparables au vol initial et dans les meilleurs délais. Il appartient alors à la compagnie de prouver que le réacheminement a été effectué dans les meilleurs délais. Elle sera responsable des préjudices subis (telle que la perte de salaire) si le réacheminement proposé n’est pas suffisant pour les éviter. Par ailleurs,
elle ne peut pas se défendre en affirmant que les passagers n’ont pas recherché par eux-mêmes une meilleure option, ou qu’ils n’ont pas assisté la compagnie dans cette recherche. Il lui appartient de présenter les différentes options possibles aux passagers, qui auront ensuite le choix entre un réacheminement, ou un remboursement du vol.
3 – La compagnie auprès de qui on achète un billet, mais n’ayant pas effectué le vol perturbé, peut être considérée comme responsable de l’indemnisation
(CJUE, CS c. CESKE AEROLINIE, 11 JUILLET 2019) Dans le cas d’un trajet partant de l’Union Européenne et se rendant en Asie via Abou Dhabi, le second vol avait été retardé de plus de 3 heures. Les passagers avaient exigé une indemnisation de la compagnie tchèque, auprès de laquelle ils avaient réservé l’entièreté du trajet et qui avait effectué le premier vol. Celle-ci a refusé de les indemniser, arguant qu’elle n’avait pas opéré le vol litigieux et n’était pas donc pas responsable du retard.
La Cour a affirmé qu’une compagnie auprès de laquelle un trajet avec correspondance a été réservé et ayant réalisé le premier vol est redevable de l’indemnisation pour le retard à l’arrivée. Elle ne peut pas se retrancher derrière la mauvaise exécution d’un vol ultérieur opéré par une autre compagnie. Et ce, même si le second vol de ce vol avec correspondance a été effectué au départ et à destination d’un État tiers à l’Union européenne par une autre compagnie non-européenne (voir notre article sur cette jurisprudence).
4 – Vous avez réservé un forfait ? Retournez-vous directement contre votre agence de voyage
(Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 juin 2018, 17-14.05)Si vous avez réservé un vol dans le cadre d’un forfait auprès d’une agence de voyage, vous pouvez vous retourner directement contre cette dernière pour la perturbation de votre vol. Le forfait touristique correspond à à la réservation par une agence, pour ses clients, d’un vol accompagné d’une autre prestation (par exemple: un vol et une nuit à l’hôtel ou toute autre activité). En effet, le Code du Tourisme prévoit que l’agence de voyage, dans le cas de forfaits, est responsable de plein droit, à l’égard du client, de la bonne exécution du contrat. Elle est donc dans ce cas responsable de l’indemnisation du passager en cas de vol retardé, annulé, ou de refus d’embarquement !
Il existe tout de même une nuance pour le délai de prescription : vous avez 2 ans pour faire votre réclamation avec l’agence de voyage contre 5 ans auprès de la compagnie aérienne dans le cas où vous n’auriez pas réservé un forfait.
En effet, il a été précisé par la CJUE que si les passagers ont réservé un vol dans le cadre d’un forfait, ils ne peuvent pas demander l’indemnisation à la compagnie. L’agence de voyage en est responsable seule, et ce afin d’éviter une double indemnisation.
C’est également une très bonne nouvelle pour les passagers qui ont vu leur vol annulé du fait de la faillite d’une compagnie (l’exemple le plus récent étant la compagnie indienne Jetairways ou celle presque inévitable d’Aigle Azur). La compagnie ne sera jamais en mesure d’indemniser les clients, mais si les passagers ont réservé le vol dans le cadre d’un forfait, l’agence de voyage aura l’obligation de rembourser les billets et d’indemniser les passagers.
5 –Même sans carte d’embarquement, les juges peuvent se fonder sur d’autres preuves de votre présence à bord
Depuis un arrêt de la Cour de Cassation de 2018, une compagnie peut exiger que les passagers produisent leur carte d’embarquement afin de prouver leur présence à bord d’un vol retardé. Mais pour certains juges français, les passagers ne disposant pas de carte d’embarquement peuvent prouver leur présence à bord à l’aide d’un « faisceau d’indice ». Par exemple, les tribunaux ont admis d’autres preuves de présence à l’aéroport le jour du vol comme tickets de caisse de l’aéroport, des étiquettes de bagage ou des photos prises dans la zone d’embarquement.
Ainsi, d’après Les Echos, deux tribunaux d’instance, ceux de Martigues dans les Bouches-du-Rhône et de Villeurbanne dans la métropole lyonnaise, ont rendu 47 jugements entre octobre 2018 et février 2019 en ce sens. Il est donc intéressant de noter que toutes les instances françaises ne suivent pas la décision de la Cour de Cassation, et préfèrent en l’occurrence rendre des décisions favorables aux passagers.